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Alain CLÉMENT

Alain Clément Extrait DP Nage GSB6
Tout, ou presque, a déjà été dit, et très bien dit, sur le travail d’Alain Clément.
On peut se référer au texte de Marielle Barascud, aux mots de l’artiste (voir plus loin), ou au

résumé écrit par Yves Michaud,

dans la présentation d’une conférence sur l’artiste, d’une concision remarquable :
Je connais Alain Clément depuis 1974 et n’ai cessé de suivre son travail dans sa cohérence et son dynamisme. Clément a commencé dans l’abstraction austère des années 1970. Rapidement il s’est ouvert à l’ampleur du geste et à un registre de couleurs véritablement sien, plus inspiré de Léger que de Matisse, même s’il garde de Matisse la sensualité des courbes et volutes. Graduellement aussi sa peinture s’est structurée avec une volonté de construction évidente. Dans les années récentes, il a fait sortir le tableau de lui-même en le transformant d’abord en relief puis en passant carrément à la sculpture. Il y a là une forte capacité de renouvellement dans une recherche jamais tentée par le goût du jour.



Alain Clément Gouaches 2014 GSB

Extrait d’un entretien donné par Alain Clément à Sophie Laroche, conservatrice, Arsenal-Musée de Soissons, 2015


A.C. : Ce fut lors d’un bref séjour à Tanger que la figure de Matisse, que je n’allais pourtant pas voir, se dressa comme celle du Commandeur dans le Don Giovanni de Mozart. Alors, comme un déclic, tout devint simple et éloquent et me permit de délier le corps de ma peinture et d’en faire une danse. Ni celle effrénée des Danseuses aux chandelles de Nolde, ni celle, plus sage, de Matisse du musée de l’Ermitage. Une danse qui ne représenterait plus le corps des danseuses mais le mouvement de la ligne qui déborde le tableau et s’envole dans des sculptures en arabesques.

S.L. : Cela me conduit à sentir confusément des correspondances, des analogies entre le langage musical et votre peinture, une peinture rythmique, modulatoire, sonore, harmonique et parfois dissonante.
A.C. : Vous m’apprenez à entendre ce qui saute aux yeux. C’est donc la ligne mélodique. Elle jaillit, s’élance, court, vole, ralentit, rebondit sur les bords, s’épaissit, se croise et s’enlace à nouveau. La décharge d’énergie secoue le regard qui la suit et parcourt les formes qu’elle suggère. Le tableau est l’arène instable de l’expérimentation d’un réseau organique. Il faut que la main devienne insensée, plus rapide que la pensée. Elle décharge directement le désir sur la toile et ne s’attarde plus au dessin des apparences. La main n’est plus dépendante de l’œil qui cherche la forme, elle ouvre des mondes, affirme une pulsion.
Il y a bien sûr les fusains de Matisse, effacés pour les recommencer d’une seule arabesque. Belle d’abandon, on dirait un serpent qui danse au bout d’un bâton. Baudelaire a écrit cela bien avant les esquisses au bout du bambou de Matisse pour La Danse de Merion.
La graphie est notre rythme intérieur, l’expres-sion directe de notre corps. La maîtriser nous apprend beaucoup sur nos capacités à embrasser le monde. Pour ma part, je me sens proche de la volupté matisséenne. C’est de la musique française, Ravel et Debussy, et surtout le jazz dans ce magnifique recueil éponyme de papiers découpés.



Alain Clément Aquatintes 2014 GSB

Alain Clément Aquatintes 2015 GSB

Présentation par Marielle Barascud


Alain Clément est né en 1941 à Neuilly/Seine. Il vit et travaille à Nîmes, Paris et Berlin. Il a enseigné à l’école des Beaux-Arts de Montpellier puis à celle de Nîmes de 1970 à 1990. Contemporain et ami des artistes de Supports/Surfaces et après une période formaliste dans les années 70, il développe dans les années 80 une peinture très colorée, constituée de gestes simples jusqu’à saturation de l’espace du tableau. Depuis, valeurs, traits, lignes, rubans et trames travaillent l’espace, le nient, le forcent, le creusent, dans une œuvre profuse et expressive.
Le début des années 90 marque un grand tournant vers la sculpture. Ce sont d’abord des fragments de matériaux usinés et peints qu’il va assembler comme un jeu de construction, puis les reliefs muraux en bois, dessinés d’un trait, et peints dans leur forme.

Au début des années 2000, la sculpture devient monumentale. Des lames d’acier peint aux plaques plus arrondies en passant par les rubans se lovant au sol, cette sculpture est celle d’un espace habité par l’homme. Depuis le début des années 2000, toutes ses expositions mettent en évidence les allers-retours entre peinture et sculpture par leur confrontation.
« Les Nymphéas de L’Orangerie m’ont donné très jeune le choc initiatique. Une sorte d’ivresse matérielle, de sentiment que la peinture avait un corps et un espace propres dans lesquels je pouvais me mélanger. » Cet aveu d’Alain Clément ne révèle pas seulement la raison et la nature de sa peinture. Il dit aussi le rôle et l’importance de l’espace à l’intérieur de celle-ci. Les maîtres mots sont lâchés : corps et espace.
Pour lui, c’est le geste qui va lier l’ensemble. Le geste simple, celui de la main, du bras, du corps suivant les périodes et les formats ; celui qui cherche, qui analyse, qui scelle trait et espace, forme et couleur ; caressant, raturant, répétitif, ample, débordant, amoureux ; celui qui touche la toile, le papier, le bois, la terre et le fer, l’autre.
C’est ainsi que le trait, plus ou moins large, plus ou moins fluide, plus ou moins gonflé, est devenu le vocabulaire de l’œuvre d’Alain Clément. Le trait parce qu’il est l’image la plus simple du geste et qu’il construit la toile tout autant que l’espace.

Au trait se lie la couleur : flamboyante ou rabattue, aujourd’hui souvent constructiviste et contrastée, elle construit aussi l’espace, le troue ou le bouche, l’aplatit ou le dilate. Elle n’est jamais posée dessus, elle est dans ; dans la peinture, dans la sculpture. « Ce qui me fonde à la peinture, dans la peinture ancienne, c’est Tintoret par exemple, Tintoret dans sa démesure, dans la peinture du XIXe siècle c’est Monet, dans la peinture du XXe Pollock, c’est-à-dire des choses qui sont absolument sans distinction, je suis dans la masse colorée, je suis dans la masse de la peinture. »

Les fascinations d’Alain Clément sont multiples mais pour les artistes du XXe siècle, ce sont souvent des artistes qui ont pratiqué peinture et sculpture comme Giacometti, Matisse, de Kooning, Barnett Newman, etc. Des œuvres, comme la sienne, dont l’homme et sa quête, artistique et humaine, sont le moteur et le centre. L’homme spectateur se doit de s’y confronter, physiquement, intellectuellement et pour son propre plaisir. « Une petite sculpture est faite avec la main, elle se regarde comme un objet intime, proche de votre corps. Une sculpture de l’envergure de vos bras est un corps-à-corps, un face-à-face où vous vous confrontez avec vous-même. Une plus grande que vous est une maison, un espace où vous vous promenez, elle vous enveloppe, vous êtes dedans. L’échelle, c’est le plus important en sculpture parce qu’inévitablement elle vous révèle, désigne votre place, définit votre identité par rapport à elle. Une sculpture n’est rien sans la confrontation physique avec son regardeur. L’échelle détermine l’espace qui donne l’expression, le sentiment. » Alors la sculpture comme dernière aventure humaniste...




Alain Clément Sculptures GSB